La biométhanisation

La biométhanisation est un procédé applicable à des matières organiques biodégradables  souvent appelées biomasse

La biomasse
biomethanisation

Qu’est-ce que la biométhanisation ?

Les matières organiques se dégradent sous l’action combinée de différents micro-organismes en absence d’air. La décomposition s’opère en suivant un processus qui aboutit à la formation d’un mélange gazeux combustible appelé biogaz. La dernière étape de ce processus microbiologique, appelée méthanogenèse, est assurée par les bactéries méthanigènes. En effet, le biogaz produit est constitué pour l’essentiel de méthane (CH4:50 à 80%) et de dioxyde de carbone (C0₂ : 20 à 50%). Le méthane, par son caractère combustible, confère au biogaz sa valeur énergétique.

Les matières organiques méthanisables

Théoriquement, toute matière organique biodégradable est susceptible de pouvoir être biométhanisée.
Certains éléments garantissent cependant une digestion optimale. Ce sont, par exemple, l’absence de composés toxiques pour les bactéries, comme certains antibiotiques par exemple, un bon équilibre des teneurs en carbone et en azote ou encore un milieu proche de la neutralité, c.à.d, ni acide ni alcalin.
La biométhanisation a ainsi été appliquée aux matières organiques les plus diverses telles que:

  • les eaux résiduaires urbaines et les boues de station d’épuration,
  •  les effluents industriels (principalement de agro-alimentaire, mais aussi de papeteries et de tanneries),
  • les ordures ménagères,
  • les déchets agricoles, aussi bien résidus végétaux de récolte que résidus d’élevage.

La biomasse à votre portée ?

 Compte tenu de l’importance des moyens financiés et humains requis, tant pour l’investissement que pour le suivi de l’installation seules les collectvités publiques, les entreprises industrielles et les exploitations agricoles peuvent envisager de s’équiper d’une installation de biométhanisation.

Cependant, dans certains pays en voie de développement, la situation est assez différente de par le coût et l’accès à l’énergie, la disponibilité de la main d’œuvre et le caractère rural et paysan de la majeure partie de la population.

Évolution de la biométhanisation au cours des siècles

Bien qu’elle ait été découverte en 1776, la biométhanisation n’a été appliquée pour le traitement des eaux usées et des boues qu’à la fin du dix-neuvième siècle.

Elle connut des développements divers au cours de notre siècle avec un regain particulier d’intérêt après le premier choc pétrolier. Cependant, avec la chute du prix de l’énergie, nombre d’installations qui avaient pour principale motivation la production d’énergie ont été arrêtées.

La biométhanisation en Wallonie

C’est particulièrement le cas des digesteurs à la ferme: en 1986, on comptait encore 16 digesteurs dans les fermes wallonnes. Actuellement, deux installations seulement sont encore en fonctionnement mais le gaz n’est valorisé que dans l’une d’entre elles; il s’agit du digesteur de la ferme expérimentale du Sart-Tilmant où le gaz est injecté dans le système de chauffage de la ferme, des étables et des cliniques vétérinaires. La situation est assez différente pour les installations industrielles. En effet, outre une substantielle économie d’énergie, la biométhanisation des effluents industriels permet leur épuration. En Wallonie, sept industries, dont six sucreries, sont équipées d’un digesteur à l’entière satisfaction de leur propriétaire. Parmi les stations d’épuration wallonnes, huit d’entre elles sont pourvues d’un digesteur de boues: c’est cependant bien en deçà des potentialités. Quant à la biométhanisation des ordures ménagères, les projets existants pour les régions de Mons et La Louvière sont actuellement subordonnés à la mise en œuvre d’une collecte sélective efficace.

La biométhanisation en Europe

En 1988, une enquête a identifié 474 digesteurs ruraux et 195 digesteurs industriels encore en fonctionnement sur l’ensemble du territoire de la CE. Selon cette enquête, 44% des installations qui avaient été construites en exploitation agricole ont été arrêtées, alors que pour les industries, ce chiffre n’est que de 22%. Outre la diminution de rentabilité résultant de la baisse du prix des combustibles fossiles, la principale raison de cette hécatombe réside dans la conception inappropriée et la médiocre fiabilité de l’installation. Ceci se comprend mieux lorsqu’on sait que la CE a compté 223 fabricants dont la majorité n’ont construit qu’un seul digesteur avant de cesser leurs activités.

L’évolution de la biométhanisation dans le monde

Le volume moyen des digesteurs européens est de 340 m³ à la ferme et de 2.500 m ³ en industrie. La production totale de biogaz est estimée à 430 millions de m³ par an dont 370 proviennent des installations industrielles. Quant à la récupération du gaz de décharge elle atteint 750 millions de m³.

Les digesteurs de déjections animales et même humaines sont nombreux dans les pays du Tiers Monde, bien qu’ils aient également connu une régression par endroits, comme en Chine, suite à un changement des politiques d’incitation. La biométhanisation représente cependant un potentiel très important dans ces pays

La production annuelle mondiale de biogaz est estimée à 1,2 milliards de m³ Si l’on ajoute le gaz de décharge, on obtient une production totale de 6 milliards de m³ par an (chiffres de 1994)

Les procédés de biométhanisation

Les bactéries «méthanigènes»  qui sont en bout de chaîne du processus, sont exigeantes. Non seulement elle ne peuvent travailler qu’en absence d’air, mais, de plus, elles ne se développent de manière satisfaisante que dans des zones de température bien définies, aux alentours de 30-35°C (zone mésophile) et aux alentours de 50-60°C (zone thermophile).
Aussi, la mise en œuvre du processus de biométhanisation, quel que soit le procédé technologique envisagé, nécessite l’utilisation d’une cuve hermétiquement fermée, étanche à l’air (appelée digesteur, réacteur ou fermenteur méthanique, ou encore biodigesteur ou biométhaniseur) et équipée d’un système de chauffage pour maintenir une température adéquate (généralement + 35°C).

On peut distinguer schématiquement deux grandes familles de procédés selon le système de remplissage et de vidange du digesteur: les procédés dits discontinus et ceux dits continus, semi-continus ou intermittents.

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Les procédés discontinus

Appelés aussi procédés «batch», ils consistent à introduire les matières à traiter en une seule fois dans une cuve étanche qui est ensuite fermée et à l’y maintenir aussi longtemps qu’on enregistre une production de gaz suffisante. En fin de fermentation, le substrat ainsi «épuisé» est évacué du digesteur qui est prêt pour recevoir une nouvelle cuvée à fermenter.

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Les procédés continus et semi-continus

Ils se caractérisent, eux, par une alimentation et une vidange simultanées et (semi) continues du digesteur. L’apport régulier en substrats frais (appelé influent) compense l’épuisement en matières fermentescibles du contenu du digesteur. Il s’accompagne d’un soutirage simultané d’une même quantité de substrat digéré (appelé effluent), de telle sorte que le volume utilisé dans le digesteur reste constant.

Il existe une large gamme de procédés continus de biométhanisation.

Les premiers à avoir été développés sont le système «infiniment mélangé» et le système «piston» (plug flow). Quoique largement utilisés encore, ces deux procédés présentent un inconvénient majeur: lors de l’évacuation du substrat digéré, une partie des bactéries responsables de la méthanisation est également soutirée du digesteur. Leur concentration dans le digesteur est donc constamment ramenée à un niveau relativement bas, ce qui explique que les digesteurs de ce type présentent des productivités (volume de biogaz produit par m³ de digesteur et par jour) assez faibles.

Les procédés à accumulation de biomasse

Pour remédier à cela, de nouveaux procédés continus, dits à «accumulation de biomasse active» ont été mis au point. Ils consistent à retenir et à accumuler les bactéries dans le digesteur. La teneur plus élevée en bactéries dans le digesteur permet aussi de réduire le temps de résidence du substrat à traiter (appelé temps de séjour hydraulique) nécessaire pour sa dégradation.
Avec ces systèmes, on peut dès lors obtenir des productions de gaz équivalentes à celles des systèmes de première génération, à partir d’une même quantité de substrat, mais dans un temps plus court et dans un volume de digestion plus faible, ce qui réduit le coût d’investissement de la cuverie.

Systèmes (semi) continus de méthanisation

Le contenu du digesteur est brassé mécaniquement à l’aide d’un agitateur, par recirculation du liquide au moyen d’une pompe ou encore par insufflation dans le fond du digesteur d’une partie du gaz produit.

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Dans ce type de digesteur, allongé horizontalement, le substrat transite lentement, sans être nécessairement brassé, depuis l’entrée d’alimentation jusqu’à la sortie d’évacuation. Ce principe est appelé plug flow

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Amélioration du système «infiniment mélangé» qui consiste à récupérer les boues digérées, qui renferment de hautes concentrations en micro-organismes, dans un décanteur à l’aval du digesteur et à en recycler tout ou partie en tête du digesteur dans l’influent frais. Ce principe est largement utilisé en épuration anaérobie des eaux résiduaires. Les qualités des boues anaérobies semblent moins favorables: elles présentent des problèmes de décantation qui limitent les performances.

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 Ces procédés constituent en quelque sorte une variante du Procédé «contact» anaérobie. Le décanteur se trouve intégré au sommet du digesteur.

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Ce système se base sur les propriétés de floculation que présentent les bactéries anaérobies, qui leur permettent de former des granulés plus facilement sédimentables. Les bactéries, retenues dans le digesteur par un séparateur placé à son sommet, floculent et décantent pour former un lit de
boue dans la partie inférieure du digesteur, surmonté d’une zone de décantation. La floculation pose parfois certains problèmes et le démarrage n’est pas toujours facile.

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Ce système consiste à fixer les bactéries sur un garnissage intérieur (briques creuses, roches volcaniques, anneaux de plastique, mousses polymériques ) ce qui permet d’accroître considérablement la concentration du digesteur en «biomasse active». L’alimentation en substrat frais peut se faire par le haut ou par le bas du digesteur. Les filtres présentent un démarrage plus aisé et une production de gaz moins fluctuante que les digesteurs «infiniment mélangés»

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Ces digesteurs renferment de petites particules inertes (grains de sable, billes de verre, de plastique,…) sur lesquelles se fixent les bactéries. Il se forme ainsi des granulats (support + bactéries) qui sont maintenus en suspension par un flux ascentionnel créé par la recirculation du fluide et l’alimentation en substrat frais qui s’effectuent par le bas du digesteur. Ces procédés, encore en développement, s’avèrent très prometteurs (très haute productivité en biogaz) bien que de conduite et de démarrage délicats.

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Plusieurs systèmes de « piégeage » des bactéries existent :

  • recyclage après décantation externe (procédé « contact » anaérobie),
  • décantation interne avec (procédé UASB) ou sans (système IRIS,…) formation d’un lit de boue au fond du digesteur,
  • fixation sur un support fixe (filtres bactériens) ou en suspension (lits fluidisés et expansés)

Utilisation du biogaz

Un partie du biogaz produit (+30%) doit être brûlée pour assurer le maintien à température du digesteur. Le reste du biogaz constitue ce que l’on appelle la production nette de biogaz. Elle peut être utilisée pour alimenter: Une chaudière classique dont on a modifié les caractéristiques du brûleur et qui servira à produire de l’eau chaude à usage domestique (eau sanitaire ou chauffage central) ou professionnel (lavage des cruches de
lait,…).
Divers appareils équipés de brûleurs adaptés: cuisinière ou réchaud pour la cuisson des aliments, convecteur ou radiant infra-rouge pour chauffer l’air ambiant, réfrigérateur à gaz, etc.
Un moteur à combustion interne actionnant une pompe, un compresseur,.., ou encore une génératrice pour produire de l’électricité. Dans ce dernier cas, l’utilisation de groupes électrogènes comprenant un moteur équipé de systèmes de récupération de chaleur (cogénérateur) s’avère souvent intéressante (voir le paragraphe qui traite des systèmes de chauffage des digesteurs, au point suivant).

L’adaptation au biogaz d’un moteur à essence peut être réalisé moyennant quelques modifications au niveau du système d’alimentation et d’allumage (voir guide pratique). Ce type de moteur est plutôt à recommander pour des petites puissances, jusqu’à quelques dizaines de kW.

Les moteurs Diesel, eux, nécessitent des transformations plus importantes. L’option généralement choisie est leur conversion en moteur dual-fuel, qui, par rapport aux moteurs à biogaz dérivés des moteurs à essence, présente plusieurs avantages majeurs dont:

  • la possibilité de fonctionner à 100% avec du gasoil si le biogaz vient à manquer (important lorsque la fourniture d’énergie doit être continue);
  • une plus grande souplesse d’utilisation: il peut brûler n’importe quel biogaz, même très pauvre (haute teneur en CO2) et les fluctuations de composition du biogaz affectent peu le rendement;
  • une plus grande résistance à la corrosion (meilleure lubrification);
  • des rendements supérieurs;
  • une puissance quasi inchangée, malgré la transformation du moteur.

Des améliorations en matière de lubrification, entre autre, permettent à présent de réaliser la transformation de moteurs Diesel en moteurs à gaz pur.

A la ferme, l’utilisation du biogaz pour alimenter un moteur n’est à recommander qu’en poste fixe (moteur stationnaire). Utiliser du biogaz comme carburant automobile est techniquement envisageable, mais économiquement inintéressant. Il faut, en effet, réduire au maximum l’encombrement volumique du biogaz, ce qui nécessite de l’épurer et de le comprimer fortement afin de le stocker sous pression, opérations qui requièrent un investissement très lourd. De plus, le poids des bonbonnes constitue un sévère handicap et l’autonomie des véhicules reste très faible. Cependant, cette valorisation du biogaz peut être envisagée lorsque les productions de gaz sont importantes et peuvent alimenter une flotte captive, c’est-à-dire un parc de véhicules dont le rayon d’action est assez limité autour d’un point fixe. Cette solution est envisagée par la ville de Lille qui s’est équipée en 1994 de quatre bus au biogaz provenant de la station d’épuration. Depuis d’autres villes ont suivi.

Description d'une installation