La centrale géothermique de Saint-Ghislain

La géothermie profonde en Wallonie

La géothermie
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Historique des forages

En 1976, le sondage de Saint-Ghislain avait révélé la présence d’une nappe d’eau chaude a une profondeur de plus de 2000 m dans les calcaires dinantiens sous le Bassin de Mons (Delmer, 1977). Bénéficiant des effets contemporains du deuxième choc pétrolier qui avait multiplié le prix de l’énergie et fait craindre des pénuries d’approvisionnement en pétrole, le premier réseau de chauffage urbain géothermique belge est mis en route en 1985 a partir de ce sondage transformée en puits géothermique, et fonctionne sans interruption depuis lors.

Malgré le creusement de deux autres puits profonds à Douvrain en 1979 et à Ghlin en 1981, aucun autre projet géothermique n‘a été entrepris en Wallonie jusqu’à la période actuelle : les besoins en énergie propre et un contexte économique plus favorable conduisent à reconsidérer le potentiel géothermique profond.

 LES RÉSERVOIRS POTENTIELS DE WALLONIE

La qualité d’un réservoir géothermique est conditionnée d’une part par sa température, liée a la profondeur, et d’autre part a sa capacité a permettre la circulation d’un fluide, ce qui justifie l’intérêt d’identification et de caractérisation des aquifères profonds.
La température augmente avec la profondeur et, en Wallonie, le gradient géothermique moyen est similaire au gradient mondial, à savoir d’environ 3°C par 100 m, en dehors de certains effets locaux (Legrand, 1975).
Les aquiféres wallons sont nombreux et variés, et pour la plupart bien caractérisés. Leur localisation a est bien connue, mais leur existence en profondeur peut être difficile à établir, en raison du manque de données géologiques profondes directes (sondages) ou indirectes (géophysique).

Parmi les lithologies favorables, les roches carbonatées sont recherchées en priorité. Ainsi, le Carbonifère inférieur et le Dévonien moyen constituent-ils des réservoirs-cibles. Le Dinantien carbonaté du Hainaut est un réservoir identifié sous le Bassin de Mons, qui se prolonge vers l’est sous lo silésien du Parautochtone brabançon. Son potentiel doit encore être prouvé, notamment sous |a région de Charleroi et au nord-est de Liège (Berckmans, Vandenberghe, 1998).

Des aquiféres situés & des profondeurs moyennes pourraient également présenter un intérêt local. C’est le cas de formations calcaires du synclinorium de Dinant qui peuvent se retrouver à des profondeurs de 800 a 1000 m au cœur des zones synclinales. Toutefois, les données géologiques et hydrogéologiques à de telles profondeurs sont rares, voire inexistantes.
Un projet d’’exploration du réservoir profond du Dévonien moyen a donné récemment lieu a une campagne d’exploration géophysique dans le Bassin de Mons. La profondeur estimée et la température supposée des fluides contenus dans les roches du Givétien, supérieures a 120°C, pourraient être propices à la conversion en électricité, notamment par l’utilisation de systèmes a fluides binaires (procédés thermodynamiques ORC ou Kalina).
L’utilisation de techniques EGS (géothermie en roches sèches) pourrait être envisagée notamment sous l’allochtone ardennais mais aucune recherche n’a encore ete effectuée dans ce sens à l’ heure actuelle.

Alain Rorive , Luciane Licour Université de Mons, Faculté Polytechnique, Géologie Fondamentale et Appliquée.

Les forages en Wallonie

Les trois puits du réservoir Dinantien du Hainaut

Trois puits géothermiques ont été forés à l’Ouest de Mons, à Saint-Ghislain, Douvrain et Ghlin .

Le sondage de Saint-Ghislain fut foré entre 1972 et 1976. Cet important ouvrage d’exploration géologique visait a reconnaitre le Dévonien moyen sous le Bassin de Mons, objectif qu’il n’atteint jamais malgré une profondeur considérable de plus de 5.400 m (Delmer, 1977).

Ce forage a rencontré dans les couches du Viséen d’importantes masses d’anhydrite (CaSO₄), roches jusqu’alors inconnues dans les formations affleurantes bien visibles à quelques kilomètres au Nord. C’est à la base de ces roches particulières, à 2.400 m de profondeur, dans des niveaux à forte perméabilité, que le sondage a traversé la ressource géothermique faisant jaillir en surface de l’eau a une température de 73°C avec un débit artésien de 100 ³/h.

Deux autres puits furent réalisés à Douvrain et à Ghlin pour confirmer la présence et l’extension de la nappe géothermique. Le puits de Douvrain a atteint le réservoir géothermique à 1350 m de profondeur (Leclercq, 1980) et celui de Ghlin à 1550 m (Delmer et al, 1982), chaque puits fournissant de l’eau à près de 70°C à un débit artésien proche de celui du puits de Saint-Ghislain.

 Le réservoir géothermique du Hainaut

Seuls les puits de Saint-Ghislain et de Douvrain ont été mis en activité depuis 1986, après ce qui a été appelé « le second choc pétrolier ». Par la suite, dans les années 90, compte tenu du prix de l’énergie redevenu modéré, l’intérêt pour la géothermie ne s’est pas poursuivi.

Mais depuis le début des années 2000, le renchérissement des produits pétroliers et la volonté de réduire les émissions de CO₂, ont réveillé cet intérêt. Ce nouvel attrait pour la géothermie profonde a permis de relancer des projets dont fait partie le creusement d’un nouveau puits en 2015 a l’ouest de la gare de Mons. Le chauffage urbain géothermique de Saint-Ghislain alimente en eau chaude un hall de sport, une piscine, trois écoles, des logements sociaux ainsi qu’un centre hospitalier avec une puissance nominale de 11 MW. Accessoirement, la chaleur résiduelle après utilisation par le chauffage urbain permet de chauffer des serres (hors service actuellement) ainsi que les biodigesteurs de boue de la station d’épuration de Wasmuël

Fin 2012, le puits de Douvrain n’était que partiellement utilisé pour un appoint (très ) partiel au chauffage de la clinique Louis Caty à Baudour avec moins de 90.000 m³ d’eau chaude par an soit environ 10 % de la capacité du puits. Des Projets d’amélioration de cette utilisation clinique, ainsi que le chauffage d’un home et d’une usine du Zoning voisin pourraient aboutir à l’employer à pleine puissance.

A partir de 2014, le puits de Ghlin alimentera un réseau de chaleur implanté par l’Intercommunate IDEA sur une zone d’activité économique voisine appelée «Geothermia» comprenant 30 a 40 parcelles viabilisées. 

La puissance géothermique disponible est d’environ 7 MW ce qui permettrait de répondre à une consommation de quelques 10.500 MWh thermiques par an.
Actuellement, l’exploitation de la géothermie en est faite par puits simples sans réinjection. Une certaine stabilité en débit et en pression semble attester du grand potentiel de la nappe profonde, en liaison avec l’aquifère du Dinantien subaffleurant.

Le creusement d’un ou de plusieurs puits tel que celui de Mons ne semble pas poser de problème compte tenu de importance du gisement. Néanmoins, leur éventuelle multiplication soulèvera la question de la nécessité d’une réinjection de l’eau soutirée et l’évaluation des interactions entre puits et de leur durée de vie économique. A plus ou moins longue échéance, une modélisation hydrothermique de la ressource géothermique devra être faite pour en optimiser l’exploitation (Licour, 2012).

En Wallonie, seul le réservoir géothermique du Dinantien du Hainaut est reconnu par trois forages profonds a l’ouest de Mons. Son extension vers l’Est et le Sud est probable mais nécessite l’acquisition de nouvelles données géologiques et hydrogéologiques indispensables.

Alain Rorive, Luciane Licour

Université de Mons, Faculté Polytechnique